vendredi 24 juin 2016

Mise en abîme, angoisses perpétuelles et happy end

Les années passent, les modèles et les photos se suivent et c'est toujours ce même mélange d'excitation, d'angoisse et de plaisir.

L'excitation d'une belle séance d'abord avec cette modèle qu'on a croisé sur internet ou en soirée, ce projet qu'on a en tête depuis un certain temps, cette technique étrange à essayer.



Mais plus les jours se rapprochent et plus la séance se concrétise, plus l'enthousiasme s'estompe et fait place à l'angoisse, me faisant hésiter à tout annuler.

C'est toujours la même peur de la page blanche.



Alors pour calmer cette angoisse les jours précédents je fais des essais de lumière : j'ai un pied et une télécommande pour déclencher à distance. Je suis mon propre modèle. Je vérifie la lumière avec la cellule, avec une appli sur mon smartphone, en faisant une photo test avec un appareil numérique.
Et j'ai 3 expositions différentes. Formidable.

Je prends des notes aussi. J'écris une sorte de storyboard. Prévoir les différentes poses me rassure. Parce que 12 photos à prendre quand on n'a pas d'idées ça peut paraître interminable.


L'heure sonne. Parfois la modèle est ponctuelle. Parfois c'est l'attente. Je me demande ce qui se passe. Je tourne littéralement en rond : cuisine pour boire un verre d'eau, fenêtre sur rue pour tenter de l'apercevoir, toilettes pour évacuer le verre d'eau, puis à nouveau cuisine, ...

Mais peut-être s'est-elle trompée de porte ? Quelle idée d'avoir 2 immeubles mitoyens qui ont le même numéro ! Avec ma chance ça doit être le seul cas à Paris. J'hésite à lui envoyer un texto pour lui dire que c'est la petite porte, pas la porte cochère. Parce que le code ne fonctionnera pas avec la porte cochère et donner un faux code ça fait mec bizarre. Avec tout ce qu'on lit sur internet sur les "photographes pervers peloteurs" elle va avoir une première impression qui ne sera pas à mon avantage.



La température de mon corps augmente, je transpire (il fait pas un peu chaud là ? Pas spécialement et je ne peux pas ouvrir les fenêtres pour rafraîchir la pièce, la modèle ne va pas tarder à arriver et elle est peut-être frileuse), mon ventre se sert, je n'arrive pas à me concentrer et je continue à tourner en rond, j'enrage parce que rien n'est prêt alors que le modèle va bientôt arriver.



Il faut que je trouve une occupation en l'attendant : lire ? non impossible de se concentrer. Vérifier le matériel ? D'accord. Comme un soldat prêt à aller au front, je vérifie mon matériel, je charge mes appareils (ça m'évitera de rater le repère de départ des films 120mm), je règle la sensibilité des films, comme une sorte de routine. Au moment opportun, répéter ce qu'on a fait à l'entrainement et tout ira bien.




Puis elle arrive. Tout va alors très vite et s’enchaîne naturellement : accueil, chaussures/pas chaussures, collation, présentation du projet, choix des vêtements, derniers tests d'exposition, puis la 1ère photo, le 1er clac de l'obturateur.


Excitation, enthousiasme, concentration. Suivre le storyboard et tout ira bien. Parfois s'en éloigner un peu. Ecouter la modèle, échanger avec elle, s'adapter. C'est bien, la confiance est là.












La séance finie, la modèle partie, une seconde routine s'impose pour gérer la retombée de stress. Ranger le matériel à mon rythme, méthodiquement et mécaniquement, sans réfléchir, m’apaise.
Et puis je réalise que le labo ferme dans 45 minutes, soit le temps qu'il me faut pour y aller en métro à 5-10 minutes près. Si je file maintenant, je pourrais peut-être récupérer les films demain.


Le retrait des travaux est une nouvelle source d'anxiété. Je ne demande pas de tirages papiers, que des scans. Alors je n'ai que la mini planche-contact pour avoir un aperçu. Première impression positive. De retour chez moi, surprise ! c'est mieux que ce à quoi je m'attendais. Ca me plait beaucoup en fait.


J'envoie les photos brutes à la modèle. Elle aime. Politesse ou pas, je prends le compliment qu'on me donne. Après quelques retouches sommaires (cadrage et contraste) je publie les photos. Le public semble apprécier aussi. Tant mieux.


Je suis satisfait du travail accompli. J'ai envie de recommencer, en occultant totalement l'angoisse vécue bien sûr. Et ce sera à nouveau l'excitation, indispensable pour se lancer dans l'aventure mais je sais maintenant que ça en vaut le coup.



Modèle : Linden
Juin 2016
Canonet QL19 - Kodak Portra 400
Rollei 6003 pro - Planar f2.8/80mm - Tele Xenar f4/150mm - bague allonge 34mm - Ilford Delta 100

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